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Le réséda n'a pas d'odeur
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4 octobre 2007

Transports

Je les regarde, je les désire, ces hommes que je croise en prenant le métro ou le bus ; ils me plaisent  parce qu'ils sont à portée de vue, à portée de main. Où vont-ils ? Je crois que si l'un d'eux me disait "viens", j'irais, je le suivrais, peut-être pas jusqu'au bout du monde, mais je viendrais avec lui ; et plus j'y songe, plus il me semble attendre ça depuis toujours : je voudrais être enlevé par quelqu'un dans les transports en commun.   

Jouhandeau et Guibert ont rêvés pareille extase.

Ces jeux de regard, c'est aussi La Prince de Clèves.

Je me souviens du premier jeune homme qui me regarda ainsi, avec les yeux du désir. Je devais avoir cinq ou six ans, c'était dans un autobus, nous allions chez ma grand-mère, avec ma soeur et ma mère. J'ai aimé ce regard posé sur moi comme une caresse, personne ne m'avait vraiment regardé jusqu'à lui. Je me senti choisi, et bien sûr j'aurais voulu le suivre... Mais les enfants n'ont pas le droit d'aller dans la rue, à la suite d'un inconnu.

Plus tard j'ai retrouvé la même expérience dans la promiscuité des cafés, je veux dire cette sensation palpitante de toucher à l'aventure, au grès du hasard.

Adolescent, j'ai eu une passion secrète pour un passager de la ligne de bus qui m'amenait à l'école. Il était à peine plus âgé que moi, de trois ans peut-être. Il m'a permis sans le savoir de supporter l'enfer du lycée et le carcan familial ; son visage était un rêve que je faisais les yeux ouverts, entre deux cauchemars.

Ils eurent tous la profondeur d'un songe-creux.

Rencontres à la fois sublimes et éminemment frustrantes, mobiles et immobiles. Il y aurait là matière à un livre pour les pédés, et les voyeurs de toute espèce, le livre d'une vie.

Serai-je toujours cet éternel amoureux, en quête d'aventure ?

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